Dette des pays émergents : les prêts chinois, trop opaques et écrasants ?
Principal créancier des économies émergentes et en développement depuis quelques années, la Chine se retrouve aujourd’hui sur le banc des accusés. Ses prêts seraient trop opaques et écrasants, provoquant une multiplication des défauts de paiement des dettes souveraines.
Longtemps principaux pourvoyeurs de financements pour les économies émergentes et en développement (EMDE), le FMI et la Banque mondiale se sont vus dépassés ces dernières années par la Chine. En effet, l’Empire du milieu est devenu le premier créancier de ces pays depuis 2015. Son encours de prêts (officiels) a atteint 1.000 milliards de dollars en seulement dix ans, éclipsant totalement les dépenses occidentales.
Pas de conditions politiques pour les prêts chinois
Aujourd’hui, la Chine représente près de 40 % de la dette bilatérale et des créances privées des EMDE. Si ces pays empruntent autant au géant asiatique, c’est principalement parce que celui-ci n’impose pas de conditions politiques, comme l’Occident. Il ne demande pas de garanties en termes de bonne gouvernance, de démocratie et de respect des droits de l’Homme. Une aubaine pour ces Etats majoritairement sous dictature ou minés par la corruption.
Multiplication des défauts de paiement
Aussi, la Chine, en grande opportuniste, a pris l’habitude de prêter sans compter. À tel point qu’une quarantaine de pays émergents lui doivent plus de 8 % de leur PIB en 2023. Une situation plus que problématique. Et encore. On relève également une multiplication des défauts de paiement des dettes souveraines depuis quelques années. En 2022, au moins 25 % des économies émergentes et 60 % des économies en développement étaient en incapacité d’effacer une partie de leur passif.
Une gestion problématique des crises de la dette
S’il existe plusieurs causes à ce problème (pandémie du Covid-19, guerre en Ukraine, etc.), la politique chinoise de prêt y contribue énormément. En effet, la gestion des crises de la dette souveraine par la Chine ne permet pas de soulager les EMDE. Généralement, Pékin rééchelonne la dette en cas de défaut de paiement ou de risque de défaut, ou octroie des prêts de sauvetage si le débiteur fait face à de grandes difficultés financières. Ces deux stratégies ne permettent pas d’alléger le poids de la dette.
Selon Didier Maurin, la dette étrangle les Etats
Bon nombre d’experts de la finance dénonce la politique de la dette menée par la Chine, comme Didier Maurin, dirigeant du cabinet DCT (ex Didier Maurin Finance – DMF). Avec une dette mondiale tablée à 300 000 milliards de dollars, et des grandes banques internationales et compagnies d’assurances qui font faillite, Didier Maurin conseille d’alléger la dette des pays plutôt que d’accorder des prêts risqués.
La Chine, un prêteur sur gage ?
En effet, la Chine maintient les pays débiteurs dans un cycle infernal de dépendance en leur accordant prêt d’urgence sur prêt d’urgence, sans réclamer de discipline dans la politique économique, ou en faisant main basse sur des ressources naturelles en contrepartie. Un peu comme le ferait un prêteur sur gage, qui vit des difficultés financières de ses victimes. En outre, on peut regretter que les prêts chinois ne servent trop souvent qu’à financer des projets d’infrastructures, coordonnés par des entreprises chinoises. Les locaux ne sont recrutés que ouvriers sur les chantiers.
La Chine ne fait pas partie du Club de Paris
Ciblée par de nombreuses critiques, la Chine a essayé de se faire bien voir récemment. Elle a annoncé l’annulation de 23 prêts pour 17 pays africains. Cependant, l’allégement ne représente en réalité qu’1 % de ce que le continent doit à Pékin. Si l’Empire du milieu veut vraiment soulager ses débiteurs, il devrait par exemple rejoindre le Club de Paris, qui opère de vraies restructurations de dettes. Malheureusement, le géant asiatique préfère garder sa méthode décriée, qui lui assure un remboursement préférentiel.