Des sabots dans la polémique : à Questembert, le cheval de trait divise

À Questembert, dans le Morbihan, l’usage de chevaux de trait pour les missions municipales divise. Ce choix présenté comme écologique est aujourd’hui contesté par une pétition antispéciste, qui dénonce une forme d’exploitation animale. La commune, elle, défend une pratique ancrée, utile et respectueuse du bien-être des équidés.

Depuis plus de dix ans, la commune bretonne de Questembert a fait le choix d’un mode de transport aussi traditionnel qu’étonnant dans le paysage municipal moderne : le recours aux chevaux de trait pour certaines tâches du quotidien. Arrosage, collecte de déchets, entretien des espaces verts ou encore navettes pour le marché, les missions des équidés sont variées et bien intégrées à la vie locale. Mais une pétition lancée en avril par un militant écologiste relance aujourd’hui le débat sur la place de ces animaux dans les services publics.

Des chevaux comme agents municipaux

Le terme de « cheval territorial » n’est pas une figure de style : il désigne ces chevaux utilisés par des collectivités pour assurer des services publics, en alternative aux véhicules motorisés. En 2013, près de 200 communes françaises y avaient recours, selon la Commission Nationale des Chevaux Territoriaux. Questembert fut l’une des pionnières en Bretagne, démarrant l’expérimentation dès 2011 avec la collecte des sacs jaunes dans son centre historique, inaccessible aux camions.

Depuis, la commune a élargi les missions confiées à ses chevaux. Ils participent aujourd’hui au ramassage scolaire, assurent le transport de courtes distances, contribuent à l’entretien des bois communaux, et même à des animations symboliques comme la livraison des lettres au Père Noël. Le cheval, ici, est à la fois un outil de travail et un élément de lien social.

Une pratique saluée localement… jusqu’à récemment

L’expérience de Questembert a souvent été citée en exemple dans les milieux soucieux d’écologie et de sobriété énergétique. À Baud, une autre commune du Morbihan ayant adopté cette pratique en 2016, une page dédiée sur le site municipal vante ses bienfaits. L’énergie cheval permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre, le bruit, et favorise un rapport plus humain entre les usagers et les services publics. De plus, le recours à des chevaux bretons contribue à la sauvegarde de cette race locale menacée.

Pour les défenseurs de cette approche, le cheval est une réponse moderne à des problématiques contemporaines : transition écologique, qualité de vie, revitalisation des centres-villes. Mais ce consensus apparent vient d’être ébranlé par une mobilisation inattendue.

Un militant antispéciste dénonce « l’exploitation » des chevaux

C’est Serge Buchet, élu local engagé pour la cause animale et membre du mouvement « Révolution écologique pour le vivant » (REV), qui a lancé la fronde. À travers une pétition en ligne ayant recueilli près de 25 000 signatures en quelques semaines, il dénonce une « pratique d’un autre temps », selon lui incompatible avec le bien-être animal.

Dans son texte, il critique les conditions de travail des chevaux, forcés de « se frayer un chemin parmi les voitures, motos et autres engins bruyants » et de tirer « des charges bien trop lourdes ». L’auteur déplore que les équidés soient traités comme de simples outils, utilisés également pour des balades touristiques en calèche. « Est-ce réellement nécessaire ? », interroge-t-il.

Pour Buchet et ses soutiens, le problème est de fond : il s’agit d’une opposition de principe à l’idée même que des animaux soient employés pour servir les humains, quelle que soit la qualité des soins apportés.

La mairie défend son projet et ses chevaux

Face à ces critiques, le maire de Questembert, Boris Lemaire, défend avec vigueur le bien-fondé de l’initiative. Élu écologiste, il assure que les chevaux employés par la commune sont « parmi les mieux traités qui soient » et qu’ils bénéficient de conditions de travail adaptées. Il invite même les détracteurs à venir observer eux-mêmes une journée de travail de ces animaux, encadrés par des agents municipaux formés spécifiquement à leur accompagnement.

Dans le sillage de la pétition antispéciste, une contre-pétition a vu le jour, cette fois en soutien à la commune. Intitulée « Pour que la mairie de Questembert puisse garder ses chevaux », elle a déjà rassemblé plus de 2 000 signatures. Elle souligne le rôle positif des chevaux dans la vie locale, leur impact environnemental réduit, et le plaisir qu’ils procurent aux habitants.

Une controverse symptomatique des tensions écologiques contemporaines

Ce débat, qui peut paraître anecdotique au premier abord, met en lumière des divergences profondes au sein même des mouvements écologistes. D’un côté, une écologie pragmatique, qui voit dans le cheval un allié pour la transition énergétique et la résilience des territoires. De l’autre, une écologie éthique, qui refuse toute forme d’exploitation animale, même encadrée, même douce.

Dans ce face-à-face, chacun avance ses arguments avec conviction. Les uns mettent en avant la préservation d’un savoir-faire ancestral, le respect de la nature, l’économie circulaire. Les autres dénoncent une instrumentalisation d’êtres sensibles, dont la liberté et l’intégrité corporelle seraient bafouées au nom de traditions ou de considérations pratiques.

À Questembert, les sabots des chevaux continuent de résonner dans les rues. Mais la polémique, elle, est loin de s’éteindre. La commune, comme bien d’autres peut-être demain, devra trancher entre deux visions de l’écologie qui, à défaut de se réconcilier, peinent encore à dialoguer.

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