Loïs Boisson, la révélation tricolore de Roland-Garros

À 22 ans, la Dijonnaise Loïs Boisson bouleverse la hiérarchie du tennis mondial à Roland-Garros, ravivant l’espoir d’un renouveau du tennis féminin français.
Un parcours singulier, marqué par la ténacité

Originaire de Dijon, Loïs Boisson n’a pas grandi dans les structures élitistes du tennis français. Formée au sein du club local, elle a très tôt fait preuve d’une discipline et d’un mental rares chez une jeune joueuse. Loin des projecteurs et des circuits de formation classiques, elle a construit sa technique avec régularité, s’entraînant avec rigueur sans être pressée de brûler les étapes. Ce parcours en marge, sans pression fédérale, lui a peut-être permis de développer un style plus libre, plus instinctif.

En mai 2024, alors qu’elle venait de remporter son premier tournoi WTA 125 à Saint-Malo et qu’elle semblait prête à franchir un cap, Boisson est stoppée net dans son élan par une rupture du ligament croisé antérieur du genou gauche. Ce coup dur aurait pu briser bien des carrières naissantes. Elle choisit cependant de transformer cette épreuve en opportunité : celle de se reconstruire physiquement, mais aussi mentalement. Durant ses neuf mois de convalescence, elle travaille son jeu, affine sa tactique et renforce sa confiance. Ce retour par le circuit ITF, souvent ingrat, l’a aguerrie.

Classée au-delà de la 350e place mondiale début mai 2025, elle reçoit une wild card pour Roland-Garros, en raison de son titre récent à Saint-Gaudens. D’abord vue comme une simple représentante tricolore de plus, elle enchaîne pourtant les victoires face à des joueuses nettement mieux classées : Elise Mertens (24e), Kalinina, puis Jacquemot. Mais c’est son match contre Jessica Pegula, 3e mondiale, qui marque un tournant : en trois sets haletants, elle s’impose avec sang-froid et détermination, atteignant ainsi les quarts de finale d’un Grand Chelem, une performance inédite pour une Française depuis Caroline Garcia en 2017.

Un style de jeu, une personnalité et un message

Boisson ne brille pas par une puissance de frappe ou une domination physique à la Sabalenka. Ce qui impressionne chez elle, c’est sa capacité à lire le jeu, à varier les rythmes, à user ses adversaires dans la diagonale, tout en maintenant une intensité constante. Elle rappelle par moments les schémas tactiques d’Amélie Mauresmo, avec une touche moderne et un goût certain pour les amorties bien senties. Sa combativité évoque une hargne que le tennis féminin français avait perdue depuis plusieurs années.

Victime d’une attaque mesquine de la Britannique Harriet Dart, qui l’avait accusée de « manquer d’hygiène » lors de l’Open de Rouen, Boisson n’a pas répondu dans l’émotion. Elle choisit l’ironie, propose une collaboration avec une marque de déodorant sur Instagram, et désamorce la polémique en deux phrases bien senties. Ce sens de la répartie, doublé d’une bienveillance assumée, a séduit le public français, qui s’est rapidement identifié à cette joueuse sincère et entière.

Dans un paysage tennistique français en crise, notamment chez les femmes, Loïs Boisson incarne un souffle nouveau. Elle n’est pas issue de l’INSEP, elle n’est pas façonnée par les standards du haut niveau classique, et pourtant, elle gagne. Son exemple démontre qu’un parcours alternatif, hors des sentiers battus, peut mener au succès. Elle redonne confiance à toute une génération de joueuses en devenir, qui voient en elle la preuve qu’on peut briller en restant soi-même.

Une trajectoire qui ouvre de grandes perspectives

Grâce à ses performances à Roland-Garros, Boisson pourrait gagner plus de 200 places et se hisser rapidement autour de la 120e place mondiale. C’est un bond exceptionnel qui ouvre les portes des tableaux principaux des plus grands tournois internationaux. Elle n’aura plus besoin de wild cards ni de passer par les qualifications : un changement radical dans la gestion de sa carrière.

Son prochain match, contre la prodige russe Mirra Andreeva (6e mondiale), s’annonce comme un choc générationnel. Si Andreeva a été propulsée très tôt sur le devant de la scène, Boisson arrive avec un parcours plus rugueux, mais peut-être plus formateur. La Française n’a rien à perdre dans cette confrontation et pourrait encore surprendre, tant elle semble libérée, soutenue par le public et solide mentalement.

Boisson n’a pas encore de sponsor majeur, ni de structure lourde autour d’elle. Ce succès soudain va l’obliger à structurer son équipe, gérer une nouvelle médiatisation, et faire des choix importants pour la suite. Va-t-elle garder ce style simple et libre ou entrer dans un cycle plus professionnel et stratégique ? Les prochains mois seront décisifs, mais une chose est sûre : Loïs Boisson est entrée dans une autre dimension.



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